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Press | L’ORIENT LE JOUR | JUNE 2022

Sur les 463 projets en lice pour le concours 2022 de l’Aga Khan Award for Architecture (AKAA), 20 œuvres architecturales issues de 16 pays ont été sélectionnées. Parmi celles-ci, la rénovation de la Guest House de la Foire internationale Rachid Karamé, à Tripoli, réalisée par Nicolas Fayad et Charles Kettaneh, fondateurs de l’East Architecture Studio. Le premier pavillon renaît au sein de ce joyau de l’architecture, imaginé dans les années soixante par Oscar Niemeyer, père de l’architecture moderne, célèbre pour la construction de Brasilia et du siège de l’ONU à New York.

La rénovation de ce pavillon, aujourd’hui dédié à la plateforme Minjara (menuiserie en arabe) pour relancer cette industrie à Tripoli, a séduit le jury du prix Aga Khan, composé, entre autres, des architectes Francis Kéré, premier Africain à remporter la plus haute distinction du monde de l’architecture, le prix Pritzker 2022 ; Anne Lacaton (prix Pritzker 2021) ; et de la Libano-Américaine Amale Andraos, ex-doyenne de l’école d’architecture de l’Université de Columbia, actuellement professeure à la Graduate School of Architecture, Planning and Preservation (GSAPP) de ladite université. Ce jury de professionnels a salué la démarche, à la fois intellectuelle, sociale et architecturale, d’East Architecture Studio, qui a signé une rénovation combinant espace généreux et qualité, assortie d’un budget modeste.

Extraordinaire patrimoine et nouvelle vocation

East Architecture Studio avait été sélectionné pour la rénovation du pavillon d’Oscar Niemeyer à la suite d’un appel d’offres lancé en 2018 par Expertise France et l’Association des industriels libanais (AIL). Les architectes Fayad et Kettaneh avaient été chargés de créer des espaces d’exposition et d’ateliers pour les ébénistes de Tripoli au sein de cette construction rectiligne surbaissée de 2 500 m2, enfouie dans la végétation folle des lieux abandonnés. « Elle était invisible aux yeux des visiteurs. C’est en répondant à l’appel d’offres de l’agence française de coopération technique Expertise France, financée par l’Union européenne, que nous avions pris connaissance de la structure », raconte l’architecte Nicolas Fayad. « Le challenge de devoir réhabiliter une œuvre de Niemeyer est immense. Après une phase de recherche intense, nous avons identifié des projets similaires de cet architecte réalisés à la même époque, et qui ont permis d’alimenter et de définir notre intervention. Notre priorité a été de repenser l’espace de la Guest House de façon réversible pour qu’il s’adapte à un nouveau programme, celui d’une plateforme de design et de production de meubles et objets qui permet de développer l’industrie du bois de Tripoli, en déclin depuis le début des années 2000 », explique Nicolas Fayad.

D’une manière symbolique, l’espace a été conçu autour de l’atrium pour suivre la ligne de production du traitement du bois : l’entrée est consacrée à la fourniture du matériau, suivie d’une partie pour la conception utilisée par les designers. La production des prototypes se déroule dans un atelier mis au service des menuisiers, tandis qu’un espace d’exposition permet à plusieurs designers et menuisiers de Tripoli d’exposer leurs meubles. La conception d’Oscar Niemeyer comportait à l’origine 14 chambres d’hôte pour les visiteurs d’une nuit, donnant chacune sur un petit patio extérieur. Selon Nicolas Fayad, une grande partie du budget a été consacrée à la réparation du béton. L’autre partie, aux zones entourant la cour intérieure qui offrent aujourd’hui un look très moderne – les panneaux en verre, pleine hauteur et pivotant, qui s’emboîtent sur les solives du plafond comme des pièces de puzzle – fait place nette à la transparence et la flexibilité des lieux. « Les insertions que nous avons imaginées sont entièrement démontables, permettant à l’espace de s’adapter à de nouvelles fonctions dans le futur. Une partition ouvrable, faite de métal et de vitrages, s’insère délicatement dans l’espace ouvert de la Guest House, connectant les espaces intérieurs entre eux, tout en gardant un accès à la cour intérieure, seule et unique source de lumière et de ventilation du pavillon », explique l’architecte. Il ajoute que « les poutres apparentes servent de trame directrice, permettant aux systèmes électro-mécaniques de s’intégrer entièrement dans l’espace reprenant les proportions de la structure existante ».

Rénovée, la Guest House devient une référence importante, un projet pilote. L’opération a suscité l’intérêt de l’Unesco (Bureau de Beyrouth) qui développe actuellement avec une équipe d’experts internationaux un « Conservation Management Plan » pour l’ensemble de la Foire internationale de Tripoli. Laquelle a été récemment nominée pour être inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

Propos receuillis par May Makarem pour l’Orient Le Jour

 

 

 

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